La semaine de 4 jours suscite un intérêt croissant en tant que levier pour améliorer le bien-être des employés et la productivité des entreprises. Juridiquement toutefois, elle peut impliquer un bouleversement de la durée du travail – dont les conséquences doivent être anticipées.
L'équipe juridique de 4 jours.work s'est penché sur les embûches principales à une bascule vers la semaine de 4 jours ainsi que les solutions identifiées pour les contourner :
L'aspect juridique dépend du cadre en vigueur et du type de semaine de quatre jours choisi
-
Le cadre conventionnel et les accords en vigueur
l’accord de branche prime sur l’accord d’entreprise en matière de durée du travail et de répartition des heures dans la semaine (art. L. 2253-1, 6° du CT).
Les accords de branche ou conventions collectives en vigueur peuvent ne pas prévoir ou même interdire la semaine de 4 jours.
Or, dans cette situation, l’accord d’entreprise ne peut déroger à l’accord de branche que s’il prévoit des garanties au moins équivalentes.
C’est a priori le cas du passage d’une semaine de 5 jours à 39h à une semaine de 4 jours à 32h. négocier un accord d'entreprise spécifique permettant de déroger à ce cadre.
-
L’impact de la réduction du temps de travail (passage à 32 heures)
Sauf à passer à une semaine « en 4 jours » (concentration de 35 heures sur 4 jours, aboutissant à des journées denses), l’ADN de la semaine de 4 jours est de réduire la durée du travail (en général 32 heures – 8 heures par jour).
Réduire le temps de travail à 32 heures 4 jours aurait normalement vocation à aboutir à une baisse de salaire, ce qui peut -et c’est bien normal- être contesté par les salariés.
✅ Solution : trouver un équilibre entre réduction du temps de travail et maintien de la rémunération. Cela peut impliquer une négociation pour la réduction des heures de travail avec une compensation sous forme d’avantages en nature ou de jours de congés supplémentaires (ex : heures « offertes ») .
-
Les salariés à 39 heures : un impact à ne pas minimiser
Pour les salariés dont la durée du travail est de 39 heures hebdomadaires, la semaine de 4 jours peut avoir deux types de conséquences :
-
Si leurs 4 heures supplémentaires hebdomadaires génèrent des RTT, ces jours ont vocation à être partiellement ou totalement gommés par la semaine de 4 jours (dans un contexte où, contrairement aux RTT, la pose des jours OFF générés par la semaine de 4 jours est imposée, puisqu’elle est par définition hebdomadaire) ;
-
Si leurs 4 heures supplémentaires hebdomadaires sont payées mensuellement, il s’agit d’heures disposant d’un régime fiscal avantageux. Ces jours ont vocation à être partiellement gommés par la semaine de 4 jours ;
L’ensemble peut justifier une levée de boucliers des collaborateurs concernés, dont les avantages auraient vocation à être - au moins partiellement- neutralisés par la bascule sur la semaine de 4 jours (perte s’agissant de leur salaire net, réduction de leur liberté dans la pose des jours off).
✅ Solution : prévoir un maintien de la rémunération tenant compte de ces éléments, et en anticiper le coût pour l’entreprise.
La semaine de 4 jours peut avoir un impact sur les cotisations sociales.
-
La réduction Fillon et les cotisations sociales
Attention, l’employeur déclare chaque mois les heures réalisées par ses salariés, le tout pouvant aboutir à la réduction dite « Fillon ». En effet, la réduction générale de cotisations patronales, antérieurement dénommée « réduction Fillon », est une réduction dégressive des cotisations patronales, dont le montant varie selon le niveau de rémunération des salariés y ouvrant droit. Elle s'applique à l'ensemble des salariés dont la rémunération est inférieure à 1,6 SMIC, son montant étant maximal pour les salariés rémunérés au SMIC (CSS, art. L. 241-13 et D. 241-7).
Les heures supplémentaires et complémentaires effectuées impactent le montant de cette réduction Fillon. En effet, il résulte des dispositions des articles L. 241-13 et D. 241-7 du Code de la sécurité sociale que :
-
Les heures complémentaires ou supplémentaires ne sont plus neutralisées au dénominateur de la formule de calcul du coefficient de la " réduction Fillon ", ainsi que les rémunérations des temps de pauses, d'habillage et de déshabillage mêmes celles versées en application d'une convention ou d'un accord collectif étendu au 11 octobre 2007 ;
-
Le SMIC est calculé sur la base de la durée légale du travail, augmentée, le cas échéant, du nombre d'heures complémentaires ou supplémentaires, sans prise en compte des majorations auxquelles elles donnent lieu.
✅ Solution : l’employeur doit tenir compte de la perte de cet avantage lors du calcul du coût de son opération de passage à la semaine de 4 jours.
-
L’application uniforme à tous les salariés
Si la semaine de 4 jours peut parfois facilement être considérée pour tous les salariés (activités de service, notamment) dans certains champs d’activités, l’organisation matérielle est plus complexe.
✅ Solution : Mettre en place une flexibilité dans l’application de la semaine de 4 jours, avec des options pour ceux dont les postes nécessitent une autre organisation (e.g., horaires décalés, télétravail partiel).
Bien planifier son expérimentation de semaine de 4 jours, une étape clé avant de se lancer
-
Clause de réversibilité
Si la mise en place de la semaine de 4 jours est un échec, revenir à l’ancien modèle pourrait s’avérer complexe juridiquement.
✅ Solution : Inclure une clause de réversibilité dans l'accord collectif ou les contrats, stipulant les conditions sous lesquelles l'organisation actuelle pourrait être rétablie.
De manière générale, nous recommandons de suivre ces étapes :
-
Consultation et négociation : Associer les représentants du personnel (CSE, IRP...) dès le début pour négocier des accords adaptés à la nouvelle organisation.
-
Pilotage avec une phase d’expérimentation : Lancer une phase pilote pour identifier les problèmes juridiques potentiels avant de généraliser la mesure.
-
Veille juridique continue : Assurer une veille active sur les évolutions légales et réglementaires pour adapter en permanence les pratiques internes.
La transition vers une semaine de 4 jours nécessite une approche juridique bien structurée, avec des négociations rigoureuses et une attention particulière aux droits des salariés.